Rendu nomade par des collaborations aussi diverses que variées L’Ateuchus a mené durant trois ans un projet de résidence au lycée Armand Malaise de Charleville-Mézières. Conscient que la place de l’artiste dans une société, si petite soit-elle, est sans cesse à défendre, définir, et redéfinir, le projet de l’Ateuchus a d’emblée été de ne pas dissocier sa pratique selon les deux pans de l’intitulé de la résidence : l’artistique et la médiation culturelle. La proposition a donc été de faire de la vie et des activités des artistes au cœur de ce lycée un acte de création. Affirmant ainsi la pédagogie développée autour de la marionnette comme un élément constitutif de ce processus de création, l’Ateuchus a tenté d’y inscrire la majeure partie de ses interventions et de faire de ses expériences, ses rencontres, le sédiment, la matière d’objets artistiques. Je est un autre, cet autre est objet de je(u) est le titre de ce projet.

Résider dans un lycée

Résider dans un lycée c’est littéralement habiter au cœur de ses murs, avec d’une part un point de vue sur la rue, l’entrée et les limites des bâtiments ; d’autre part sur l’une de ses cours intérieures, son administration, son réfectoire.
C’est voir tantôt ces lieux peuplés d’élèves tantôt d’oiseaux selon les jours de la semaine.
C’est vivre en ces lieux qu’une foule d’individus diurnes, de tous âges, de toutes maturités habite.
C’est trouver sa place dans cette foule, donner sens à cette place, et parler, agir, proposer depuis cet endroit.
C’est faire face à ceux qui ne veulent pas, ceux qui ne comprennent pas, ceux qui n’acceptent pas :
"Pourquoi des artistes parmi nous ? Pourquoi des saltimbanques qui ne vivent que d’inutile dans un lycée?"
C’est discuter, dialoguer, se confronter parfois avec ces professeurs ou autres membres du personnel qui trouvent cela absurde. Absurde de donner une place à l’art dans une société en crise.
Comme si l’art était un luxe et ne s’était jamais fait écho voire annonciateur de ces crises, comme si l’art n’était pas ce regard vigilant sur le monde.
C’est de façon plus anecdotique se heurter aux remarques clichées d’une bohème d’Epinal.
Mais c’est aussi et surtout prendre le parti de ceux qui même au cœur de la tourmente, des réformes, des crises, de la violence montante d’un système chaque jour déshumanisé, y croient encore, se battent, chacun depuis leurs places : tels professeurs, tels membres du personnel de cuisine, d’accueil ou de l’administration, tels surveillants ou tels élèves.
C’est se ranger aux côtés de ceux qui ne baissent pas les bras, qui ne rêvent pas forcément d’individus qui se lèvent tôt, mais d’individus qui ne se couchent pas, d’individus qui se construisent debout.
Et c’est partager avec eux d’autres outils, ou les donner depuis une place différente, un autre point de vue que celui des professeurs et leurs enseignements pour permettre, comme ils le font également, à un individu de se construire en tant qu’être libre et conscient de ses choix, capable de lire le monde dans lequel il s’inscrit, et de jouer des articulations entre lui et ce monde.
Résider dans un lycée c’est vivre quotidiennement la place de l’artiste au sein de ce condensé de société.

L'Ateuchus
Gabriel Hermand-Priquet Virginie Schell